Quelques conseils aux écrivains en herbe par Bernard Werber

Bernard Werber est édité depuis 1991, avec sa trilogie Les fourmis comme première publication. Il écrit de la science-fiction ou des contes philosophiques, sous forme de romans, de nouvelles, de pièces de théâtre ou de bandes dessinées. Traduit en une trentaine de langues, il peut sans trop de risques d’erreur être considéré comme un auteur digne de confiance quant à la qualité de ses textes. Sur son site internet, il délivre quelques conseils sur l’écriture de fiction et le métier d’auteur, dont voici une sélection :.

Le désir

Écrire ? Au commencement est le désir. Se demander pourquoi on a envie d’écrire. Si c’est pour faire une psychanalyse par écrit (et donc économiser 25 ans et 100 000 euros) mieux vaut renoncer. Si c’est pour gagner de l’argent ou avoir de la gloire, ou passer à la télévision ou épater sa maman, renoncer. La seule motivation honorable me semble être : parce que l’acte d’écrire, de fabriquer un monde, de faire vivre des personnages est déjà une nécessité et un plaisir en soi (on peut aussi admettre comme motivation : épater une fille dont on est amoureux).

Un artisanat

On dit que pour réussir il faut trois choses : le talent, le travail et la chance. Mais que deux suffisent. Talent plus travail, on n’a pas besoin de chance. Talent plus chance, on n’a pas besoin de travail. Travail plus chance, on a pas besoin de talent. Vu qu’on ne peut pas agir sur la chance, mieux vaut donc le talent et le travail.
Comment savoir si on a le talent… ? En général les gens qui ont le talent d’écrire ont déjà pris l’habitude de raconter des histoires à leur entourage. Ils prennent plaisir à relater des événements vécus ou lus, et naturellement on a envie de les écouter. Ce n’est pas obligatoire mais c’est un premier signe. Souvent les gens qui racontent bien les blagues finissent par comprendre les mécanismes d’avancée d’une intrigue et d’une chute. La blague est l’haïku du roman. D’ailleurs tout bon roman doit pouvoir se résumer à une blague.

Lire

On doit lire le genre de livres qu’on a envie d’écrire. Ne serait-ce que pour savoir ce que les autres auteurs, confrontés aux mêmes problèmes, ont fait. On doit aussi lire les livres des genres qu’on n’aime pas forcément ne serait ce que pour savoir ce qu’on ne veut pas faire.

Accepter le statut d’artisan

Écrire est un artisanat. Il faut avoir le goût à ça, puis l’entretenir régulièrement. Pas de bon écrivain sans rythme de travail régulier. Même si c’est une fois par semaine. Ensuite on est tout le temps à l’école. Chaque livre va nous enseigner un petit truc nouveau dans la manière de faire les dialogues, le découpage, de poser vite un personnage, de créer un effet de suspense. C’est ça l’artisanat. Surtout ne vous laissez pas impressionner par les passages des écrivains à la télévision ou les interviews de ces écrivains… Ce ne sont que des attitudes. Le vrai artisanat ne peut pas être montré là-bas. Et n’oubliez pas que ce n’est pas parce qu’un auteur passe bien à la télé ou est beau ou souriant que c’est un bon artisan. C’est juste un bon type qui passe à la télé dans le rôle d’écrivain. En général plus ils sont sérieux, plus ils impressionnent. La seule manière de savoir ce que vaut un écrivain est de le lire. La seule manière de savoir ou vous en êtes dans votre artisanat est de demander à vos lecteurs ce qu’ils pensent de vos livres.

L’inspiration

En fait, bien souvent, l’inspiration vient d’une résilience. On souffre dans sa vie donc on a besoin d’en parler par écrit pour prendre le monde à témoin. Par exemple quelqu’un vous a fait du mal ; vous ne vous vengez pas par des actes, vous vous vengez par écrit en fabriquant une poupée à son effigie et en y plantant des aiguilles d’intrigue. À la fin le héros casse la figure à la poupée à l’effigie de votre adversaire. On dit que les gens heureux n’ont pas d’histoire. Je le crois. Si on est complètement heureux satisfait de tout ce qu’on a déjà pourquoi se lancer dans l’aventure hasardeuse de l’écriture ? À la limite je conçois qu’une fois qu’on est écrivain professionnel l’écriture devienne en soi une sorte de quête du graal, du livre parfait, mais là encore c’est une frustration à régler. Donc une souffrance. Oui dans l’écriture il y a forcément une vengeance contre quelque chose ou quelqu’un. Ou en tout cas un défi à relever.

La fin

Si le lecteur découvre qui est l’assassin ou comment va se terminer le livre dès le début ou le milieu, vous n’avez pas rempli votre contrat envers lui. Du coup, pour être sûr d’avoir une fin surprenante, il vaut mieux commencer par écrire la fin puis le cheminement qui empêchera de la trouver.

Recommencer

Ne pas avoir peur de tout recommencer. En général le premier jet est imparfait. On a donc deux choix, soit le rafistoler comme une barque dont on répare les trous dans la coque avec des bouts de bois, soit en fabriquer une autre. Ne pas hésiter à choisir la deuxième solution. Même si l’informatique et le traitement de texte autorisent toujours des rafistolages. C’est un peu comme le « master mind ». C’est parfois lorsqu’on a tout faux qu’on déduit le mieux comment faire juste. J’ai refait 120 fois Les fourmis et franchement les premières versions n’étaient pas terribles.

Raconter à voix haute

Ne pas hésiter à raconter oralement votre histoire. Tant pis si vous prenez le risque de vous faire piquer l’idée. En le racontant oralement, vous sentez tout de suite si cela intéresse et vous vous obligez à être synthétique et efficace. Voir en direct ses lecteurs réagir à une histoire est très instructif.

Avoir une volonté d’être compris par tous

Souvent les critiques parisiens taxent les auteurs qui touchent tous les publics « d’auteurs populaires ». Avec une connotation péjorative dans le mot populaire, sous entendu que si cela plaît au grand public c’est que ce n’est pas de la grande littérature. Victor Hugo se vantait d’être un auteur populaire, de même que Alexandre Dumas, Jules Verne et Flaubert. Mozart faisait de la musique populaire et s’en flattait. Tous les auteurs « non populaire » qui vivaient à la même époque ont été oubliés, qu’ils soient grand poètes, grands académiciens, grands écrivains de cours ou de salon. L’Histoire les a balayés avec leurs jolies tournures de phrases et leur effets de manches. De même que tous les auteurs maudits qui revendiquaient comme un titre le fait de n’être compris que par un public restreint ont en effet été effacés. Logique. Il est beaucoup plus difficile de plaire au large public qu’à un groupe de soi-disant arbitres des élégances. Faire simple et clair réclame beaucoup plus de travail que de faire grandiloquent, incompréhensible, et rempli de sous entendus que l’auteur est le seul à connaître.

Se plaire à soi même

Pour plaire au lecteur il faut se mettre à sa place. Écrire des livres qu’on aurait envie de lire si ce n’étaient pas les nôtres. Ne jamais se dire « j’écris cela, ça ne me plaît pas, mais ça leur plaira ». On est soi-même la première personne qui doit s’amuser à lire le livre. Répétons-le : s’il n’y a pas de plaisir d’écriture, il ne peut pas y avoir de plaisir de lecture ensuite.

Faire des plans

Quand vous avez un bon premier jet brut, essayez de trouver une manière de le découper de l’organiser pour qu’il soit rangeable dans des chapitres. En général on organise le livre en trois actes: Début. Milieu. Fin.
Le début : le début est en général le lieu de la scène d’exposition. On découvre où ça se passe. Quand ça se passe. Qui agit. Et le plus rapidement possible quelle est la problématique. L’idéal est de réduire au maximum le décollage du début, il faut que l’exposition soit la plus rapide possible pour que le lecteur n’attende pas avant d’être dans l’histoire.
Le milieu : le milieu est souvent le ventre mou du livre. On prolonge la problématique, on en invente des secondaires, on gère la progression dramatique.
La fin : c’est soit le coup de théâtre surprise, soit la grande explication de l’histoire cachée, soit l’apothéose.

Les portes ouvertes, portes fermées

Dans les scènes du début on ouvre des portes. Ce sont des problématiques : « qui a tué ? », « vont-ils s’aimer ? », et « qui est cette dame en noir qui surgit de temps en temps ? ». À la fin il faudra penser à toutes les refermer. « C’est le fils du paysan qui a tué », « ils vont s’aimer mais cela ne sera pas facile », et « la dame en noir c’est en fait le fils caché de la concierge déguisé en femme depuis son voyage au Brésil où il a connu l’enfer et qui recherche l’identité de son vrai père ». Bien vérifier qu’il n’y ait pas de portes ouvertes béantes (soudain on ne parle plus de la dame en noir) ni de portes fermées qui n’ont pas été ouvertes (soudain un personnage révèle qui il est, mais on n’en parlait pas au début).

Ne pas faire d’édition à compte d’auteur

Si personne n’est prêt à payer pour votre manuscrit c’est peut être parce qu’il n’est pas bon. Cette hypothèse ne doit jamais être oubliée. Tout le monde n’a pas forcément de talent. Et ce n’est pas grave. À la limite tentez la musique. Par contre les éditeurs qui proposent de vous faire payer pour vous éditer ne distribuent que peu ou pas votre livre. Vous allez juste vous retrouver avec un tas de bouquins dans votre chambre à distribuer à vos amis. Autant faire vous même vos tirages avec votre ordinateur.

 

Nous pourrions ajouter à ce dernier point que, quitte à éviter l’édition à compte d’auteur, faites appel à des professionnels en auto-édition qui vous accompagneront dans la finalisation de votre livre. Demandez un devis gratuit sur notre page.
Ces conseils rejoignent en partie ceux donnés par Stephen King, même s’ils divergent sur le bout par lequel ils abordent l’histoire.

 

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