Quelques conseils d’écriture d’après Stephen King

Dans On Writing, a Memoir of the Craft, Stephen King prodigue quelques conseils sur l’écriture.
Attention :
– Ces conseils sont surtout destinés aux auteurs de fiction. Pour les biographies, essais ou textes scientifiques, les exigences d’écriture peuvent être différentes.
– Stephen King s’adresse aux auteurs en anglais des États-Unis. Certains s’appliquent assez mal au français, qui répond à des logiques différentes.
– Je n’ai lu que la version originale du livre. La formulation peut différer de la traduction qui en a été faite par William Olivier Desmond pour les éditions Albin Michel (Écriture. Mémoires d’un métier, 2001).

1.

Dans l’un d’eux, il explique pourquoi bannir autant que possible les adverbes.
Selon lui, l’auteur qui manque d’assurance utilise les adverbes pour être sûr de bien se faire comprendre.
Lors de votre premier jet, ne vous en préoccupez pas. En revanche, au fil des relectures, supprimez-les si le contexte suffit à expliquer un verbe. (Si deux personnages ont une discussion houleuse, on peut supposer que celui qui sort et ferme la porte derrière lui le fera avec colère.)
Cette suppression des adverbes concerne aussi les dialogues. Il vaudrait mieux avoir une succession de « dit-il », « dit-elle » tout le long du dialogue, plutôt que « dit-il joyeusement », « répondit-elle avec malice » et toutes leurs déclinaisons possibles.
Voilà une des différences fondamentales entre l’anglais et le français. Si un texte en anglais admettra une suite de « dit », c’est exclu pour le français, qui est allergique aux répétitions. Mais réjouissez-vous, comme la langue a horreur de ces dernières, nous avons à notre disposition une myriade de synonymes.

2.

Les dialogues sont d’ailleurs un des éléments sur lesquels l’auteur de fiction doit se concentrer. Pour Stephen King, un dialogue bien pensé remplace un paragraphe de description, ce qui est primordial pour conserver un rythme soutenu, si important pour captiver le lecteur.
Pour apprendre à construire et mener un bon dialogue, il est important d’écouter les conversations, la façon dont les gens parlent entre eux, les ressorts d’un dialogue dans la vie réelle, mais également de beaucoup lire.

3.

Quel meilleur moyen pour bien apprendre à écrire que de lire ce que des auteurs publiés ont écrit ?
Lisez. Des bons textes, de très bons textes, des moyens et même des mauvais. Lisez. Soyez ébloui par le talent d’un écrivain, apprenez d’un autre comment construire un bon dialogue, tombez sur un mauvais livre et persuadez-vous que vous pouvez faire mieux. Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, lisez.
Sans vous en rendre compte, vous apprendrez grâce au travail d’autrui. Quand vous aimez un livre, demandez-vous pourquoi. Qu’est-ce qui fonctionne bien ? Pourquoi cette histoire vous a aspiré ? Qu’est-ce qui fait que ce livre vous tombe des mains ou que vous vous endormez au bout de deux pages ? Si vous avez adoré un auteur, lisez ses autres livres.

4.

Avec le temps et l’expérience, chacun développe une « patte ». Il en va de même pour les écrivains. Si vous vous imprégnez d’un auteur, votre style s’en imprégnera également, comme on prend un accent à force de séjourner dans une région. Vous pouvez écrire « comme », et ainsi travailler votre style. Même Spinoza l’a fait, à ceci près qu’il s’entraînait à pasticher les grands auteurs grecs et latins. Chacun ses petits plaisirs.
Au départ, vos textes vont ressembler à des imitations. Écrivez, écrivez beaucoup, et petit à petit, vous allez prendre votre envol et trouver votre propre « voix ».

5.

Sur le choix des histoires à raconter, Stephen King a une approche intéressante, déjà évoquée dans les différentes méthodes de travail. Il considère que chaque histoire existe déjà. Ce que fait un écrivain, c’est tomber sur une idée qui affleure du sol et la mettre au jour. L’auteur serait un archéologue des histoires. Muni d’une boîte à outils linguistique, il révèlerait ce que renferme l’histoire.

6.

Dans cette boîte à outils, vous rangez ce qui va vous servir à écrire. Dès que vous l’ouvrez, vous devez avoir le vocabulaire et la grammaire immédiatement accessibles. Ensuite, à vous de voir comment vous vous organisez. En général, on relègue au fond de la boîte ce qui ne sert que rarement, et on laisse en haut les indispensables.

6.1. Le vocabulaire

C’est votre outil de base. Vous l’étoffez tout au long de votre vie grâce à vos lectures et à vos découvertes du quotidien.
Sur le bon usage des mots, Stephen King a une thèse assez simple : si c’est le premier mot qui vous vient à l’esprit, c’est que c’est le bon. Inutile de chercher le mot de douze syllabes qui épatera la galerie. Quand vous cherchez à exprimer « beau », écrivez « beau ». Là encore intervient la phobie de la répétition du français. Comme le premier mot qui nous vient à l’esprit est souvent le plus simple, il y a de grandes chances pour que vous l’ayez utilisé à toutes les sauces. Si vous avez un doute, soulignez toutes les occurrences d’un même mot dans un chapitre. En cas de répétitions excessives, reformulez et variez, sinon, privilégiez la simplicité.

6.2. La grammaire

Second outil fondamental. La grammaire constitue la mécanique de la phrase et de la langue. Comme en mécanique, il vaut mieux respecter à la lettre la marche à suivre si on veut que l’ensemble fonctionne. Cependant, si vous écrivez une fiction, votre but est de donner à lire une bonne histoire, et que le lecteur s’oublie le temps de la lecture. Si pour créer un effet ponctuel qui fait mouche vous devez tordre le bras à la grammaire, allez-y, elle ne vous en voudra pas.

6.3. Le paragraphe

On a coutume de considérer la phrase comme unité de base de l’écriture. Stephen King, lui, la remplace par le paragraphe. Cela permet, dit-il, de développer un élément sur plusieurs phrases sans recourir à des phrases longues, qui casseraient le rythme.

7.

Si vous intégrez le résultat de recherches sur un thème, fondez-le dans le décor. Que ces recherches viennent soutenir l’histoire, lui donner une base stable. En aucun cas vous ne devez écrire un manuel ou un guide (ou alors si, mais n’en faites pas une fiction).

8.

Après tous ces conseils plutôt encourageants, il est un message qui peut jeter un froid. Selon Stephen King, les auteurs peuvent être divisés en catégories : les mauvais, les compétents, les bons et les géniaux. Cette dernière catégorie est à part, puisque le génie ne s’acquiert pas. En revanche, à force de travail, un auteur compétent peut devenir un bon auteur. Pour ce qui est des mauvais auteurs, il semble que le mal soit incurable.
Chacun s’inscrira dans une catégorie, qui peut être différente selon qu’il consulte son égo ou sa raison, même si l’on peut parier que personne qui aspire à écrire ne se comptera parmi les mauvais auteurs, et que lire l’œuvre d’un génie vous convaincra que vous n’en êtes probablement pas un.

Enfin, King résume ses conseils en quelques points :
– Pour bien écrire, il faut maîtriser les bases linguistiques et les trois piliers de la fiction que sont la narration, la description et le dialogue.
– Écrivez ce que vous aimez, vous êtes, après tout, votre premier lecteur.
– « Abandonner la rédaction d’un texte juste parce que c’est difficile, sur le plan émotionnel ou de l’imagination, est une mauvaise idée. Vous devez parfois persévérer même si vous êtes mal à l’aise, et d’autres fois, vous faites du bon travail alors que vous avez l’impression d’à peine parvenir à garder la tête hors de l’eau. » (Il a jeté le premier jet de Carrie parce que l’ambiance du texte le déstabilisait. Heureusement, sa femme l’a convaincu de continuer.)

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