Énonciation ou narration

 

Dans le langage courant, « énonciation » et « narration » sont employés indifféremment. Ils recouvrent cependant des réalités distinctes.

 

L’énonciation

Elle correspond à l’action d’énoncer, à l’acte de production linguistique, au fait de prononcer ou écrire des sons et des lettres, et est composée d’énoncés. Les énoncés, en linguistique, qualifient les segments de la chaîne parlée produits par un seul locuteur et situés entre deux silences.
L’énonciation s’inscrit dans un cadre spatio-temporel connu sous le nom de « situation d’énonciation ». Cette dernière est abondamment étudiée à l’école, mais rappelons tout de même qu’il s’agit de répondre aux questions « Qui parle ? », « À qui ? », « À quel moment ? » et « Où ? ».

La narration

C’est, pour le domaine qui nous intéresse, le récit développé dans une œuvre littéraire, un exposé détaillé de la suite de faits et d’actions constituant l’intrigue.
Le narrateur, en charge de la narration, est un personnage fictif qui peut être acteur ou non dans le récit. Il n’est, à part pour l’autobiographie, pas l’auteur, et n’a pas d’existence en-dehors du récit.
La narration peut suivre un ordre chronologique ou non, pratiquer des ellipses, jouer sur l’élasticité du temps dans le texte.
Selon certains théoriciens de la littérature, dont Roland Barthes et Gérard Genette, la narration associée à l’histoire forment le récit. Il y a d’un coté les éléments de l’histoire (les péripéties, etc.) et de l’autre la façon dont ils sont racontés.

L’énonciation dans la narration

La présence du narrateur est accrue dans les descriptions, mais il lui arrive aussi d’aller boire un café et de laisser les personnages discuter entre eux. On a alors dans ces dialogues, si l’on reprend la définition donné plus haut, des successions d’énoncés. Ainsi, l’énonciation s’invite dans la narration.

La narration dans l’énonciation

Dans ces mêmes dialogues, il peut arriver qu’un personnage raconte une histoire. Se crée alors une narration secondaire qui vient s’enchâsser dans la narration principale.
Il n’est également pas exclu d’imaginer un texte qui ne serait qu’un seul énoncé, avec des guillemets ouvrants en première ligne, et des guillemets fermants suivis du mot « FIN ». Ce cas de figure pose de nombreuses questions. Le narrateur et l’énonciateur sont-ils alors confondus, ou n’y a-t-il pas de narrateur ? Si dans le cours du récit nous avons accès aux pensées du locuteur, par des parenthèses ou des apartés, c’est que le narrateur existe bien, mais se manifeste peu. En revanche, si le lecteur est privé de cet accès au locuteur, la question reste entière. Cela pourrait s’apparenter à un discours, sauf que celui qui prononce un discours est clairement identifié.
Il faudrait pour y parvenir que l’auteur se contraigne à repousser le narrateur, qu’il chasse la moindre pensée de son énonciateur et se borne à n’écrire que ce qui pourrait être exprimé à l’oral. Pourquoi ne pas tenter l’expérience ?

Source :

Trésor de la langue française informatisé : définitions de « énonciation » et « narration »
www.penserlanarrativite.net
www.etudes-litteraires.com

Ouvrages à consulter :

Gérard Genette :
Figures III, coll. « Poétique », Paris, Le Seuil, 1972.
Nouveau discours du récit, coll. « Poétique », Paris, Le Seuil, 1983.
Fiction et diction, coll. « Poétique », Paris, Le Seuil, 1991.

Roland Barthes :
Le degré zéro de l’écriture, Paris, Le Seuil, 1953.
Essais critiques, Paris, Le Seuil, 1964.

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